Suite à l’arrêté du 14 mars 2020 ordonnant la fermeture des établissements recevant du public, les propriétaires bailleurs et les locataires peuvent légitimement s’interroger sur les règles de droit applicables pendant cette période en cas d’impayés de loyers. Voici notre analyse.
Pour mémoire, par arrêté du 14 mars 2020, afin de ralentir la propagation du virus covid-19, les établissements relevant des catégories mentionnées à l’article GN1 de l’arrêté du 25 juin 1980 plus accueillir du public jusqu’au 15 avril 2020 ( pour plus détails et exception cliquez ici )
Dans ce cadre, trois règles de droit semblent bien pouvoir s’appliquer :
1- La force majeure
Si le COVID-19 est assimilé à un cas de force majeure, la responsabilité du locataire pourra être écartée en cas de retard. Pour qu’il soit qualifié comme tel, le COVID-19 doit répondre aux critères cumulatifs suivants :
(i) être un événement échappant au contrôle des parties,
(ii) qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat,
et (iii) dont les effets empêchent la poursuite de l’exécution du contrat.
Le 2 mars 2020, le ministère de l’Economie et des Finances a déclaré que l’État considère le COVID-19 comme un cas de force majeure pour tous les marchés publics d’État, si bien qu’aucune pénalité de retard ne sera appliquée si ce motif devait être invoqué.
Par analogie, il n’est pas exclu que l’épidémie puisse être considérée par la jurisprudence comme un cas de force majeure pour les relations contractuelles privées dont les baux commerciaux.
Les locataires devront démontrer une réelle impossibilité d’exécuter le contrat en question du fait de la présence ou de la menace du COVID-19.
Cependant, par le passé, les juges français se sont montrés plutôt réticents à qualifier une épidémie de cas de force majeure (grippe H1N1 : CA Besançon 8 janvier 2014 n°12/02291 ; virus de la dengue : CA Nancy du 22 novembre 2010 n°09/00003 ) et il faudrait donc, à notre sens, que le COVID-19 empêche totalement et irrémédiablement
l’exécution du bail commercial conclu avant son apparition, pour pouvoir être qualifié de cas de force majeure.
A n’en pas douter, même si par extraordinaire, les juridictions ne qualifiaient pas cette pandémie de force majeure d’autres solutions juridiques pour aider les commerçants seraient trouvées.
2- L’obligation de délivrance
Sans rentrer dans les détails, l’article 1719 du Code Civil impose au Bailleur de permettre au Preneur d’exploiter son activité dans les locaux loués et d’en jouir paisiblement.
Suite à l’arrêté de fermeture, les propriétaires des centres commerciaux, Retails Park, galeries marchandes ont décidé de les fermer.
A notre sens, ces circonstances permettent au commerçant d’opposer alors le manquement à l’obligation de délivrance.
3- L’imprévision
Depuis le 1er octobre 2016, un nouvel article permet au juge de procéder à l’adaptation du contrat. Il s’agit de l’article 1195 du Code Civil qui dispose que :
Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.
En d’autres termes, le locataire pourra tenter de se prévaloir de cette disposition pour demander une réduction/suppression de loyer pendant la période pendant laquelle le preneur n’aura pas pu exploiter son activité.