TVA sur marge : le Conseil d’Etat donne raison à l’administration fiscale
Le Conseil d’Etat siffle la fin du match qui opposait l’administration fiscale et les juges du fond depuis presque 2 ans.
Pour mémoire selon l’article 268 du CGI, la cession d’un terrain à bâtir/immeuble bâti achevé de plus de cinq ans, est soumise à la TVA sur la marge quand l’acquisition de ce terrain/immeuble par le cédant n’a pas ouvert droit à la déduction de TVA.
L’administration fiscale considère que la TVA sur marge n’est applicable que si le bien cédé conserve la même qualification juridique et les mêmes caractéristiques physiques que le bien acquis. Cependant, elle a admis le bénéfice du régime de TVA sur marge dès lors que seule la condition d’identité juridique est respectée (RM JO Sénat n°04171 : 17.05.18).
La Cour administrative d’appel de Lyon avait expressément condamné cette position de l’administration fiscale en 2018 (CAA Lyon : 20.12.18 n°17LYO3359) et conforté à nouveau sa position dans trois arrêts en 2019 (CAA Lyon : 07.05.19 n°18LY01019 ; CAA Lyon : 25.06.19 n°18LY00671 et CAA Lyon : 27.08.19 n°19LY01260 ) en reprenant la même motivation : « contrairement à ce que soutient le ministre en se prévalant de sa doctrine, laquelle ne saurait fonder une imposition, la circonstance que les caractéristiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession, est sans incidence sur l’application du régime de TVA sur marge au sens de l’article 268 du CGI ». Pour bénéficier du régime de TVA sur marge la jurisprudence exige seulement l’absence de déduction de TVA en amont.
Toutefois, l’administration avait confirmé, elle aussi, sa position en 2019 (Rép. Min. N°1835, JO AN 24.09.19) exigeant le respect de la condition d’identité juridique des biens pour le bénéfice du régime de TVA sur marge.
C’est dans ce contexte qu’est intervenue la décision du Conseil d’Etat du 27 mars dernier, statuant sur le pourvoi formé contre la première décision de la CAA de Lyon précitée, rendue à propos d’un contribuable, qui exerçait une activité de marchand de biens et de lotisseur, a vendu 7 parcelles, dont 6 terrains à bâtir, résultant de la division d’une parcelle unique sur laquelle était édifiée, à la date de l’acquisition, un immeuble d’habitation que la société a fait démolir préalablement à la division et à la vente. Dans le cadre d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a contesté le bénéfice du régime de TVA sur marge.
La Haute juridiction s’appuie sur la Directive « TVA » (art. 392) pour juger que « les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient [art. 268 du CGI] s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur » (CE, 27.03.2020, N° 428234). Elle censure les juges du fond qui avaient, à tort, considéré sans incidence, sur la mise en œuvre du régime de TVA sur marge, la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente.
Ce faisant, le Conseil d’Etat donne raison aux redressements passés, mais également à venir, conduisant à une application, pour les opérations concernées, du régime de TVA sur le prix total. La remise en cause de ce régime fiscal dérogatoire, dans une période économique critique pour le secteur de la filière immobilière, y compris de l’aménagement, est plus que malheureuse, car elle risque d’accroitre la fragilité d’un secteur, dont la situation financière est déjà menacée. Espérons que dans le contexte actuel, l’administration fiscale fasse preuve de tolérance à l’égard des acteurs impactés.